NÉGOCIATION DE CONTRAT : LES TROIS PIRES ARGUMENTS

Le texte ci-dessous en est un d’OPINION.

La négociation de contrats amène son lot de défis et de sueurs froides à ceux qui la mènent, alors qu’un nombre incalculable d’éléments perturbateurs peuvent entrer en ligne de compte; le pouvoir de négociation et la notoriété des parties; leur relation, y compris celles de leurs représentants; leurs tempéraments respectifs; les délais alloués et la (im)patience de chacun; le nombre d’interlocuteurs et de niveaux décisionnels; les capacités financières des parties et les enjeux financiers, etc.

Règle générale : la négociation implique les notions de « compromis » et d’« équilibre ». Les Parties doivent idéalement arriver à une entente qui sert leurs deux intérêts — dans le cas contraire, soit le représentant était trop occupé à battre son dernier record WordBlitz… soit l’autre Partie n’avait pas réellement l’intention de négocier. 

Soyons clairs: toutes les batailles ne peuvent être gagnées, et la négociation doit se faire de façon réaliste. Un artiste n’ayant aucun historique commercial et ne jouissant d’aucun intérêt concret au sein de l’industrie peut difficilement exiger de sa maison de disques qu’elle lui avance les sommes nécessaires à financer le loft de ses rêves.

Cela étant dit, il est en droit d’exiger qu’elle considère certaines de ses demandes et qu’elle ne lui serve pas plutôt des réponses sans fondement, automatisées et absolument impertinentes.

Et parmi ces réponses les plus méprisables se trouve probablement, à mon avis, la suivante : nous ne changerons pas, il s’agit de notre modèle de contrat.

D’accord, mais pourriez-vous au moins nous expliquer la logique?

Vous trouverez-ci-dessous une liste des trois (pires) arguments qui me sont donnés de recevoir, régulièrement. Selon le cas, je vous suggère fortement (i) de vous en méfier; (ii) d’éviter de les utiliser; (iii) de continuer à les remettre en question.

* Par souci de contexte, prenons l’exemple d’une négociation entre un artiste et une maison de disques. ** Dans les faits, ce sont des réponses que je reçois plusieurs fois par semaine, dans le cadre de négociations toutes aussi différentes les unes que les autres!

1. C’est notre modèle – on a toujours fait ça comme ça : ça ne bouge pas.

La Reine d’entre toutes.

  • Premièrement, cet argument n’est généralement basé sur aucune logique véritable, si ce n’est que l’interlocuteur n’a pas l’intérêt, ou encore pire, la compréhension suffisante pour trouver un compromis.
  • Les chances sont que ce contrat a été rédigé il y a plus d’une décennie, dans une industrie et un état d’esprit commercial complètement différents; que ce contrat soit justement en partie désuet et en retard sur les usages contemporains.
  • Un modèle de contrat est précisément un gabarit; une référence; un plan de travail – il doit être réfléchi pour accueillir certains ajustements.

Cette réponse est par ailleurs d’autant plus inquiétante qu’elle est symptomatique d’une question beaucoup plus alarmante : comment s’attendre de sa maison de disques qu’elle soit innovatrice, créatrice et à l’écoute lorsque son discours initial prône plutôt une approche conservatrice, rigide et dénuée de toute volonté de compromis ?

2. C’est notre modèle – Tous nos autres artistes ont ces conditions.

Oui, le souci d’équité est honorable. Mais en quoi la négociation d’une tierce partie est pertinente dans les circonstances ? Chaque négociation est différente. Les artistes en question étaient-ils (bien) représentés? Jouissaient-ils du même pouvoir de négociation? Exerçaient-ils dans le même contexte?

Le fameux souci d’éviter un précédent peut par ailleurs être atténué en soumettant les parties à une clause de confidentialité forte et claire.

Pire que tout : la référence à un artiste d’une notoriété plus importante pour justifier son refus. « Même X n’a pas ces conditions. » (!)

3. C’est notre modèle – Nous ne pouvons inclure cette condition au contrat, mais soyez assurés que nous la respecterons en pratique.

À quoi bon faire une entente, dans ce cas?

Le but principal d’un contrat est de formaliser l’accord intervenu entre les parties et d’éviter le plus de zones grises possible. Un contrat peut potentiellement être cédé, être appliqué par de nouveaux intervenants et être interprété de mille et une façons : pourquoi ne pas profiter des moments consacrés et des sommes engagées à l’étape de négociation pour s’assurer de ne rien oublier?

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Le fait est qu’une négociation implique généralement un investissement considérable, en temps, en argent et sur le plan émotif; trois aspects habituellement plutôt sensibles pour de nombreux artistes. Encore une fois, toute négociation ne peut aboutir à une pleine satisfaction; mais elle devrait minimalement démontrer un minimum de respect et de transparence!

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